Le mobilier flexible : retours d’expériences AGEEM / Éditions Nathan

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Interview sur la collaboration entre l’AGEEM et les Éditions Nathan pour du mobilier flexible

Délia Gobert

Délia Gobert

« Je suis professeure des écoles en maternelle et j’enseigne depuis plusieurs années dans une classe multi-niveaux à Châlons-en-Champagne (51). Dans notre classe flexible, les enfants ont le choix de leur posture de travail (au sol, debout, sur une chaise ou un meuble, etc.). »

Céline Le Vu

Céline Le Vu

« Je suis responsable des gammes de mobilier chez Nathan. En collaboration avec l’Ageem pour son centenaire (2021), nous avons développé avec les enfants de la classe de Délia un mobilier qui leur ressemble et corresponde à leurs besoins. »

 

En collaboration avec l’Ageem, vous avez mené le projet innovant d’un mobilier conçu, testé et amélioré avec les enfants. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Céline Le Vu : Chez Nathan, depuis quelques années, nous proposons aux enseignant(e)s des meubles permettant d’avoir une classe plus flexible. Pour le centenaire de l’Ageem, nous avons décidé ensemble de créer un mobilier qui manquait au sein de la classe de Délia Gobert.

Nous avions trois objectifs de départ : répondre au besoin de mouvement des élèves, concevoir avec eux un matériel pour la classe, et enfin le tester et l’améliorer avec eux. C’est en partant des besoins et des envies des enfants qu’est née l’idée de développer une assise mobile flexible. Nous avons avancé ensuite pas à pas en plusieurs étapes. Les enfants ont d’abord imaginé et dessiné « leur assise » pour la classe. Chaque dessin a été interprété et discuté pour faire émerger de nouvelles idées, puis les enfants ont dessiné « leur assise revisitée ». Un choix est alors arrêté et les prototypes sont fabriqués pour pouvoir tester « en vrai » les solutions imaginées. Enfin, quelques semaines pour essayer, s’approprier, améliorer… et la gamme des assises mobiles flexibles peut voir le jour !

Quels sont les bienfaits de la classe flexible sur le bien-être et les apprentissages de vos élèves ?

Délia Gobert : Bien-être et apprentissages sont fortement liés. Grâce aux neurosciences, on sait que les enfants apprennent plus facilement s’ils se sentent bien. Le mal-être ne crée pas des conditions favorables pour apprendre.

les bienfaits de la classe flexible

La classe flexible est une possibilité pour rendre sécure l’environnement des élèves car ils sont dans le choix : choix de la posture de travail (horizontale, verticale – hauteur du meuble, debout, assis, allongé…), choix du lieu et des camarades avec qui et à côté de qui ils veulent travailler.

Dans ma classe, les enfants peuvent déplacer les tables. Et s’ils ne veulent pas travailler sur une table, ils peuvent aller s’asseoir ou s’allonger dans le coin bibliothèque aménagé comme un cocon ou dans tout autre espace de la classe. Les élèves se regroupent aussi par affinités. Il y a une notion de plaisir physique à apprendre !

Les enfants sont également plus motivés et concentrés. Ils peuvent bouger lorsqu’ils travaillent debout ou sur une assise mobile, or le mouvement favorise la concentration.

Néanmoins, il ne faudrait pas réduire la classe flexible à l’aménagement de l’espace. C’est aussi une réflexion pédagogique particulière qui permet aux enfants de ne pas tous apprendre la même chose, au même moment. C’est particulièrement riche dans une classe multi-niveaux où les enfants peuvent travailler selon leurs capacités et pas nécessairement selon leur classe d’âge.

Vous repensez régulièrement les coins de la classe avec vos élèves. Comment les faites-vous participer concrètement ?

Délia Gobert : La classe est notre lieu de vie à tous : les enfants, l’enseignant et l’ATSEM. J’explique à mes élèves que nous devons tous y prendre part, pour l’aménagement, le rangement et le nettoyage !

En ce qui concerne l’aménagement d’un espace, par exemple le coin bibliothèque, j’initie la démarche en commençant par les faire réfléchir : « qu’est-ce que c’est ? », « à quoi ça sert ? », « qu’y apprend-on ? ».

Les enfants expriment leurs idées, leurs envies et les besoins. Selon l’âge, ce peut être sous la forme d’un dessin ou d’une dictée à l’adulte. Puis on reprend, on explique, on verbalise et on trie ce qui est possible de faire ou pas dans une classe. À l’aide de photos de catalogues, les enfants refont leur dessin en ajoutant des collages. Je les sensibilise à la question du budget pour arrêter nos choix.

Lorsque le nouveau mobilier arrive en classe, je les fais participer au montage (cela fait appel aux capacités de motricité fine, de lecture de plans…), a minima au déballage ! J’ai ainsi observé que mes élèves s’étaient appropriés facilement le coin bibliothèque pour lequel ils avaient participé au réaménagement.

repensez régulièrement les coins de la classe avec vos élèves

Selon vous, la classe flexible est-elle un atout pour gérer le collectif dans le respect de chaque enfant ?

Délia Gobert : C’est indéniablement un avantage… mais qui peut faire peur ! En classe flexible, on n’a plus un groupe mais des individus au sein d’un groupe. Il faut accepter chaque enfant comme une personne à part entière, avec ses besoins et difficultés propres qui peuvent être différents de ceux du voisin. La pédagogie et le matériel sont individualisés.

J’y vois un deuxième avantage. On peut lier pédagogie et aménagement, et adapter l’aménagement aux besoins du groupe classe ou des individus : par exemple, libérer un grand espace pour les activités en grand groupe, mettre en place des groupes d’apprentissage avec la maîtresse ou l’ATSEM, organiser les projets d’apprentissage individuels. Tout cela avec beaucoup de facilité matérielle et de souplesse.

un atout pour gérer le collectif

Enfin, dans ma classe d’environ 60 m², j’ai libéré de l’espace et gagné en superficie pour pouvoir répondre au besoin de mouvement des enfants.

La maîtresse n’a plus de bureau, il y a moins de tables que d’enfants et les élèves se partagent équitablement entre les places des tables individuelles et les assises mobiles.

Quels conseils donneriez-vous pour mettre en place la classe flexible ?

Délia Gobert : Il faut d’abord en avoir envie ! Ensuite, je dirais de commencer « petit » : commencer par aménager un espace flexible (le coin bibliothèque, par exemple), par enlever son propre bureau puis une table de 6, etc., par modifier une partie de l’emploi du temps. Il faut également observer les enfants.

On apprend en effet beaucoup : comment ils se répartissent dans la classe, leurs postures favorites, les activités qui les attirent (période sensible), etc. Par exemple, certains élèves de ma classe prennent toujours une assise mobile, d’autres une chaise. Des élèves de PS sont attirés par l’écrit alors que certains de GS ont encore besoin de jeu de construction ou de manipulations simples.

mettre en place la classe flexible

Il faut aussi se faire confiance à soi, car la classe flexible induit un changement de posture de l’enseignant (plus de lâcher prise, moins de contrôle mais un suivi très précis des apprentissages de chacun). On doit accepter le mouvement et les postures parfois inattendues des enfants, à condition qu’ils respectent le matériel et le climat bienveillant d’apprentissage.

Enfin, la classe flexible n’est pas un cadre sans règles de vie et de travail. Dans ma classe, pour les activités d’écriture par exemple, les enfants savent qu’ils doivent être assis à une table, pieds au sol, face au tableau.

Et dans le cas spécifique d’une classe multi-niveaux ?

Délia Gobert : Mon principal conseil est de prendre le temps de modifier le fonctionnement de la classe, de réfléchir en fonction de compétences et non plus en fonction de l’âge car les enfants apprennent en fonction de leurs capacités.

Les plus experts (grands ou petits selon l’activité) font, les autres observent. Observation, imitation, imprégnation, transmission… c’est la grande richesse du travail entre pairs dans une classe flexible multi-niveaux !

 
le cas spécifique d’une classe multi-niveaux

Les assises mobiles flexibles

D’un côté une assise stable pour des activités qui réclament calme et concentration… et de l’autre, un mode balance ou « bascule » pour libérer le mouvement !

assises mobiles flexibles

3 hauteurs pour travailler, lire, jouer, se détendre.