Le 06 Juin 2024

Développer les équilibres chez l’enfant

Développer les équilibres chez l’enfant

Interview
de Stéphanie BARRAU

Professeure des écoles, directrice d’école maternelle d’application et PEMF à l’INSPÉ de Poitiers, membre du bureau national de l’AGEEM

et Fabrice DELSAHUT
Maître de conférences HDR en STAPS à l’INSPÉ Paris Sorbonne Université, membre du conseil scientifique de l’AGEEM, spécialiste de la motricité en maternelle.

Auteurs de l’ouvrage

Parmi les apprentissages moteurs fondamentaux à l’école maternelle, vous attirez notre attention sur l’importance de « l’équilibration ». Pourquoi ?

L’école maternelle constitue l’âge d’or du développement psychomoteur de l’enfant au cours duquel il va construire des actions fondamentales de base que l’on appelle patrons moteurs de base (PMB). Elles sont constituées autour de quatre grandes familles motrices :
- les locomotions ou déplacements (marcher, courir, sauter, grimper, rouler, glisser…) ;
- les équilibres et attitudes stabilisées ;
- les manipulations (saisir, agiter, tirer, pousser…) ;
- les projections et réceptions d’objets (lancer, recevoir).

Cette grammaire de base se développe autour de grands processus tels que la dissociation segmentaire, l’automatisation, la coordination et l’équilibration. Cette dernière se définit comme la fonction neurophysiologique qui permet à un enfant de se maintenir en équilibre.

L’équilibration est à la base de toute action motrice et se développe dans les différents PMB, les équilibres évidemment mais aussi lorsque l’on court, lorsque l’on se réceptionne après un saut, lorsqu’on lance un objet au loin, lorsqu’on nage, etc. Elle évolue tout au long de notre vie. On parle de ce sens comme du sixième sens !

Quels sont, selon vous, les principaux points de vigilance à observer avant de concevoir des activités motrices ?

Le répertoire d’acquisitions motrices se développe par stades, en fonction de la maturation de l’enfant (avec des écarts inter-individuels importants), mais aussi de la richesse de ses expériences vécues et des interactions avec son environnement.

Il est donc essentiel que les enseignants réfléchissent en équipe de cycle pour construire une séquence cohérente et progressive, en définissant des objectifs précis (développe-t-on les équilibres statiques ou bien les équilibres dynamiques ?), en s’appuyant sur les besoins des enfants et non les moyens. Les enseignants doivent donc avoir une connaissance solide du développement psychomoteur de l’enfant, connaitre les facteurs qui influencent l’équilibre, le rôle des différents sens mis en jeu et comment jouer sur les différentes variables pour complexifier les situations. La formation initiale et continue ne répond pas à cet enjeu de taille, c’est pourquoi nous avons choisi d’écrire ce livre pour aider les collègues dans leur tâche au quotidien. Il leur permettra d’avoir des connaissances théoriques nécessaires, d’avoir un traitement didactique et pédagogique approprié.

Chaque séance doit générer un temps d’engagement moteur suffisant, au minimum 30 minutes de motricité active sur 40. Nous leur proposons donc plusieurs possibilités pour optimiser leurs modalités de travail (en ateliers, en ilots, en parcours, etc.), en leur présentant les avantages et les inconvénients pour chacun d’eux. À chaque enseignant de choisir ensuite parmi l’éventail de dispositifs présentés dans la dernière partie du livre.

Sur quelles variables l’enseignant peut-il jouer pour développer l’équilibration ?

L’enfant développera son équilibre si le milieu est riche et sollicitant et donc si l’on joue sur différents éléments mettant en jeu tout d’abord le corps. Il pourra solliciter les repères visuels, en fixant un point précis lors des déplacements ou à l’inverse en encombrant le champ visuel en portant un gros objet, voire de masquer les yeux en se déplaçant sur des cordes au sol. Il peut aussi placer un anneau sur sa tête pour aligner sa ligne de gravité.
Il cherchera à faire varier la hauteur du centre de gravité, en le faisant s’accroupir lors de déplacements ou réhaussant la hauteur des objets sur lesquels s’équilibrer.
S’il est essentiel de construire le rôle équilibrateur des bras chez les plus jeunes, il est intéressant ensuite de le perturber en lui faisant porter un objet lourd ou en remuant un foulard.
Les appuis sont également à diversifier pour permettre des actions à plat ventre, sur un pied, sur 2 (simultanés ou décalés), en quadrupédie. La proprioception, c’est-à-dire la capacité à situer les segments de son corps dans l’espace, se développera d’autant plus si l’enfant agit pieds nus.

L’enseignant peut choisir de faire varier les surfaces d’évolution en jouant sur leurs textures, leur caractère mobile ou non, leur caractère plus ou moins étroit, rectiligne ou curviligne, ou encore des surfaces plus ou moins éloignées les unes des autres.

Enfin, il peut choisir d’impliquer d’autres élèves en diversifiant les sens de déplacement sur un parcours, en les faisant se croiser sur une poutre ou bien tenir un objet à deux en se déplaçant sur un tapis mobile.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de dispositifs présentés dans votre ouvrage ?

20 dispositifs et parcours sont présentés dans le livre, accompagnés de critères de complexification et d’observables. Nous avons souhaité insérer des conseils pratiques mais aussi des vidéos pour aider au mieux les collègues. En voici 4 :

Le coussin d’équilibre

Il permet de développer l’équilibre statique en testant des appuis bipodaux, puis unipodal. L’enfant change de jambe d’appui et fait varier dans différents plans la jambe de balancier.

La corde en zig-zag

Ce dispositif fixe permet, en travaillant l’équilibre dynamique, de faire varier les appuis podaux (pas chassés, pas glissés, pas franchis) avec un travail particulier pour dérouler le pied (talon, voûte, orteils). L’enseignant pourra masquer la vue de l’enfant lorsqu’il le sentira prêt, lui permettant de développer son ressenti et sa prise d’informations tactiles, favorisant ainsi sa sensibilité proprioceptive. Le sens vestibulaire (oreille interne) est perturbé car habituellement en lien avec les yeux, de nombreux enfants perdent l’équilibre !

Le tapis roulant

Le caractère mobile de ce tapis est particulièrement intéressant car le déséquilibre est intense lors des premiers essais. Les enfants cherchent à s’accroupir pour abaisser leur centre de gravité et réduire la force déstabilisatrice. Petit à petit, ils se redressent, varient leur modalité de déplacement (avant, latéral, arrière). L’enfant pourra même adapter sa posture face à un enseignant qui secoue le tapis en fin de séquence !

La rivière aux crocodiles

Ce dispositif, travaillant les équilibres dynamiques, est constitué par de nombreux matériels de différentes couleurs et formes, mais organisés pour permettre à l’élève de se déplacer de façon rectiligne dans un premier temps, sans mettre le pied par terre. Il suivra ensuite les briques de la même couleur ou de même forme, empruntant des chemins sinueux, faisant varier la hauteur du centre de gravité selon la taille des objets. Le déséquilibre sera accentué sur certains chemins en variant l’écartement entre les objets.

Certains élèves s’engagent facilement dans de nouveaux équilibres, d’autres ont plus d’appréhension. Comment l’enseignant peut-il gérer concrètement cette situation ?

Pour l’élève qui s’engage dans de nouveaux équilibres, il est nécessaire de le placer dans un milieu sécurisant du point de vue objectif. L’enseignant doit donc limiter les potentiels accidents en plaçant des tapis ou un adulte sur les dispositifs plus déstabilisateurs. Il aura pris soin également de vérifier avant chaque séance le matériel, leur fixation, leur stabilité pour favoriser une bonne circulation et leur activité (sécurité passive). Mais pour l’élève qui a plus d’appréhension, il existe un risque subjectif, lié aux phobies, à l’imaginaire, à ses craintes. Celui-ci se fait souvent une mauvaise représentation de la situation qui lui fait peur et inhibe donc sa motricité. Seuls l’attention, la sollicitation et l’affectif porté à l’élève par l’enseignant sont en mesure de le limiter. Selon Frédérique Wauters-Krings « par nature, les enfants sont prudents. Si l’adulte respecte leur rythme, les enfants ne s’aventurent pas dans des exercices trop périlleux. Ils deviennent audacieux s’ils ont suffisamment de bagage moteur pour maitriser la situation mais ils deviendront téméraires si nous les poussons au-delà de leurs limites. »

Il s’agit donc de laisser un temps suffisant à l’élève pour expérimenter, développer sa confiance tout en lui permettant de devenir autonome.

L’enseignant devra proposer également de complexifier certaines modalités de déplacement en portant des objets (anneaux sur la tête, objet lourd, etc.) que l’enfant prendra au fur et à mesure de ses progrès, relevant des défis progressifs.
Cette évolution n’est possible que par une observation fine des élèves de la part des enseignants et dans une éducation de l’élève qui passera d’un risque subi à un risque couru.

Découvrez Les clés de l’EPS à la maternelle – Les équilibres     NOUVEAU    

Une nouvelle collection pour des séances de motricité efficaces et respectueuses des besoins de développement de chaque enfant.

Conçu comme un guide pratique et illustré, ce premier ouvrage consacré aux équilibres s’articule en 3 parties :

  • les bases théoriques illustrées de schémas anatomiques et de photos ;
  • l’organisation pédagogique : la préparation, la conception et l’évaluation des activités, avec un focus sur les activités physiques, sportives et artistiques, la natation, la classe dehors ;
  • 17 dispositifs progressifs et 3 parcours testés en classe, sous forme de fiches prêtes à l’emploi, avec du matériel disponible dans la plupart des écoles. Chaque dispositif est enrichi de conseils et de critères de complexification. Des vidéos sont disponibles pour permettre aux enseignants d'ajuster l'observation fine de leurs élèves et de corriger leur posture.

 

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